Moi ici ? Et maintenant ?

Je suis entrée dans le travail du sexe avec l'idée d'en sortir une fois mes objectifs atteints. Aujourd'hui, mes objectifs sont atteints. Pourtant je suis encore là. Installez-vous, je vous raconte.

Erika

7/18/20245 min read

Quand j'ai commencé l'escorting, jamais je ne pensais me faire un site internet ou investir dans ce milieu (du temps, de la formation, de l'argent...). Un site internet, c'est pour les vraies professionnelles, pensais-je. Celles dont c'est vraiment l'activité principale, ou du moins qui sont là pour rester.

Moi, j'étais là par nécessité. Cette activité, ses revenus, m'ont servi de soutien dans une période de creux. L'escorting, pour moi, c'était simplement ma solution originale et un peu inconventionnelle (pensais-je grâce à Bergson, mais c'est une autre histoire) à un besoin que j'avais à ce moment de ma vie, à savoir, m'acheter des pâtes, payer mes factures, avoir du temps pour faire les travaux de mon appartement et puis un peu plus tard, pouvoir me reconvertir professionnellement.

Le travail du sexe m'a donné du temps et des options, choses que la vie ne nous fournit pas toujours. J'ai pu décider vers quoi j'avais envie d'orienter ma vie professionnelle et me donner les moyens d'en vivre.

Je fais partie de ces enfants, qui étaient bons à l'école, qui avaient des facilités, et qui ne savaient pas trop ce qu'ils voulaient faire de leur vie (et en même temps, quel énorme choix à faire à nos 15 ans...). Bref, options généralistes, parcours par défauts pour se laisser le plus de portes ouvertes, saupoudrés d'un peu de méritocratie, je me suis retrouvée avec un beau diplôme d'ingénieur dans domaine qui n'était pas fait pour moi (ou l'inverse). Alors bon, il y a pire dans la vie. C'est ce que je me disais souvent d'ailleurs.

Il y a des gens qui sont dans cette situation toute leur vie - car non, tous les cadres sup' ne claquent pas la porte à 40 ans pour aller élever des brebis dans le Larzac, ou se reconvertir dans l'ébénisterie. - Moi, je n'ai pas leur force ou leur abnégation.

Et puis, on peut quand même trouver quelques îlots, des endroits où on se sent bien, dans n'importe quel domaine, et ça m'est arrivé parfois. Mais la plupart du temps, en bon petit soldat, je me suis épuisée pour des jobs sous-payés et qui ne m'épanouissaient pas du tout (et ça me paraît complètement ridicule maintenant). Sauf qu'au bout d'un moment, ça ne tient pas. Le corps et/ou la psyché se manifestent. Et c'est l'effet papillon. Un grain de sable peu faire dérailler la machine. Et la résilience qu'on aurait normalement eu face aux aléas de la vie semble avoir disparue, consommée, consumée certainement par tous les efforts fournis au quotidien.

Bref, j'en étais là de ma vie quand j'ai commencé l'escorting. ça m'a permis une respiration, un support pour la suite. Mais je savais que c'était une identité sociale qui ne me convenait pas, que je ne voulais pas m'enfermer dans cette activité, et qu'il était facile de s'y oublier, s'y laisser prendre entièrement. J'avais peur de me réveiller un matin avec une vie sociale ayant périclité, un désert sentimental et un énorme trou dans mon CV (qui me paraissait à l'époque la tare professionnelle ultime). Alors, j'ai mis ce temps et cette activité à profit, et une fois que j'ai décidé de ce que je voulais faire de moi-même, je me suis mis un objectif. Une fois atteint, ce sera hasta la vista baby !


J'avais un donc plan... Et puis la vie arriva.


"Life is what happens to you while you're busy making other plans." C'est pas de moi, mais je confirme.

J'ai commencé le travail du sexe dans une démarche utilitaire. Et en cours de route, paf la vie.
J'ai fait des rencontres qui m'ont un peu bousculé dans ma vision des choses, qui m'ont simplement fait passer un bon moment, d'autres où j'ai appris à poser mes limites, et puis bien sûr, d'autres encore qui ne m'ont pas franchement apporté grande chose.
Car bien sûr, tout n'a pas été qu'un grand conte de fée érotique. Il y a eu des périodes plus ou moins heureuses, des doutes, de la remise en question et des pauses nécessaires au milieu de tout ça. Si vous lisez cet article en vous posant la question de commencer le travail du sexe, je ne voudrais pas créer de fausses idées. Le travail du sexe, ce n'est pas du glamour et des paillettes. De mon expérience, c'est un travail de l'humain avant tout, où le corps est notre outil et qui reste soumis à beaucoup de précarité (si on est malade ou qu'on a un accident, c'est chômage sans revenu, si demain, il y a un confinement, c'est chômage sans aucun revenu, si la loi évolue en notre défaveur, ... vous voyez l'idée).

Je crois que j'avais des qualités, des dispositions pour l'intimité. Des choses qui n'avaient pas forcément eu l'occasion de s'épanouir dans le monde du travail conventionnel, où on nous demande de parler fort, d'être compétitif (voire d'écraser l'autre), d'aller à l'efficacité. La sensibilité est rarement un atout dans le monde capitaliste. Et donc, au bout de quelques mois, lorsque j'ai commencé à me détendre et à mettre plus de moi dans mes rencontres, ça a été une petite révélation.

La qualité de mes rencontres s'est améliorée, de ce fait et aussi parce que je suis arrivée à mieux les choisir. Mon système, principalement basé sur l'intuition, n'est pas sans faille mais force est de constater qu'il a fait ses preuves jusqu'ici.

J'ai commencé aussi à m'intéresser à ce que faisais, à me renseigner sur l'intime, la sexualité, le féminisme, la politique du travail du sexe. J'ai acheté des livres, écouté des podcasts, me suis même renseignée pour des formations. Sans jamais passer le cap, puisqu'encore une fois, je n'étais pas là pour rester


Et maintenant...


Aujourd'hui, je me suis reconvertie professionnellement, j'ai atteint l'objectif que je m'étais fixée en commençant cette activité. Je ne dépends plus de ces revenus, je n'ai plus besoin de faire des rencontres et j'ai remplis ma vie d'autres projets. Selon le plan, on est arrivé au moment du "Hasta la vista baby !".

Sauf que voilà, je me suis rendue compte que je n'en avais pas vraiment envie. Plus le temps avance et plus cette activité se passe bien, trouve son équilibre dans ma vie, m'ouvre l'esprit, nourrit mes réflexions. Je n'ai pas l'impression d'avoir fait le tour de la question, ni de m'être lassée de ces rencontres.

Alors, de manière pragmatique, mon premier investissement dans cette activité, c'est ce site. J'ai essayé d'y mettre tout ce qui est important, pour me présenter à ceux qui auraient envie de faire ma rencontre et aussi, honnêtement parce que je passais parfois beaucoup de temps à répondre aux mêmes questions, à donner les mêmes renseignements, et puisque ces informations n'apparaissaient nulle part, en partie aux mauvaises personnes (c'est-à-dire à des gens qui ne me correspondaient pas, et inversement).
J'espère donc que ce site sera un outil supplémentaire pour mieux sélectionner ceux que je rencontre et vous renseigner au mieux sur la personne avec qui vous pourriez partager votre intimité. Dans la start-up nation, on appelle ça un win-win.